Article expertise comptable - Revue de presse #19
Les sociétés peuvent distribuer leurs réserves à tout moment, mais pas leur report à nouveau
L’article L. 232-11 du Code de commerce définit le bénéfice distribuable comme le bénéfice de l’exercice après déduction des pertes antérieures et des sommes à affecter aux réserves légales, et augmenté du report bénéficiaire. L'Assemblée Générale Ordinaire Annuelle (AGOA) est compétente pour approuver les comptes et affecter le résultat. Elle peut décider de distribuer des dividendes à partir des bénéfices distribuables mais aussi à partir des réserves, à condition que les dividendes soient prélevés en priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice.
Les réserves :
La question de la distribution des réserves par les sociétés revêt une importance particulière en matière de droit des sociétés. Il s'agit de déterminer si une société peut distribuer des réserves disponibles à tout moment, en dehors des assemblées générales d'approbation des comptes ou des règles habituelles de distribution des bénéfices.
La distribution de réserves hors assemblée générale annuelle reste possible, mais elle doit être appréhendée avec prudence pour éviter toute sanction ou remise en cause judiciaire. Pour toute distribution, les associés doivent s'assurer que les réserves concernées sont bien distribuables et que les conséquences financières pour la société sont maîtrisées. Le tableau récapitulatif des réserves rappelle le caractère distribuable et non distribuable des réserves :
Il est possible de distribuer des réserves en dehors de l'assemblée générale annuelle d’approbation des comptes sous certaines conditions. En effet, les sociétés peuvent distribuer des réserves à condition de respecter les règles légales et statutaires relatives à la disponibilité des capitaux propres et à l'intérêt social :
aucune distribution ne peut être effectuée si les capitaux propres sont ou deviendraient inférieurs au montant du capital augmenté des réserves non distribuables (C. com., art. L 232-11) ;
les frais d’établissement ou de recherche et développement non totalement amortis doivent être couverts par des réserves libres ; à défaut, aucune distribution ne peut avoir lieu (C. com., art. R 123-186).
Une telle distribution peut être contestée si elle est jugée contraire à l’intérêt de la société ou effectuée de manière intempestive. Une distribution irrégulière peut être qualifiée de "dividende fictif", ce qui expose les dirigeants à des sanctions civiles et pénales (C. com., art. L 232-12).
Les réserves distribuées auront été nécessairement approuvées au cours d’exercices antérieurs, la procédure dite des acomptes est sans rapport avec une distribution de réserves. De plus, un acompte ne peut être versé que dans la limité du bénéfice distribuable, c’est-à-dire du bénéfice de l’exercice, lequel n’inclut pas les réserves.
Le report à nouveau :
La distribution, à tout moment, du report à nouveau créditeur est une question plus délicate, que la Cour de cassation vient de trancher le 12 février 2025. La distribution du report à nouveau ne peut pas être réalisée à tout moment. Seule l'assemblée générale annuelle approuvant les comptes de l'exercice est compétente pour affecter et distribuer le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice précédent. Toute autre assemblée distribuant un dividende prélevé sur ce report encourt la nullité
Dans son arrêt du 12 février 2025, la Cour de cassation a jugé que, d’après les articles L. 232-11 et L. 232-12 du Code de commerce, le report à nouveau bénéficiaire ne peut être distribué qu’après l’approbation des comptes de l’exercice où il est pris en compte. En effet, le report à nouveau est un élément du bénéfice distribuable selon l'article L. 232-11 du Code de commerce. Il s'ajoute au bénéfice de l'exercice clos et peut être distribué en même temps que ce dernier, sous la règle des « neuf mois » prévue à l’article L. 232-13 du Code de commerce. Autrement dit, il fait partie du bénéfice distribuable de l’exercice suivant, et seule l’assemblée générale de cet exercice a le droit de décider de son affectation ou de sa distribution. Selon la Cour de cassation, toute décision de distribution prise en dehors de cette assemblée, notamment lors d'une assemblée générale ordinaire non liée à l'approbation des comptes, est nulle.
Sources :
La Base Lextenso – BJS mars 2025, n° BJS203s3 – « Les sociétés recouvrent le droit de distribuer leurs réserves à tout moment, mais pas leur report à nouveau » - 01/03/2025.
Mémento sociétés commerciales 2025 des éditions Francis Lefebvre