Article Apport/ Fusion - Revue de presse #2
Un apport d’actions ne constitue pas une vente.
Apport VS Vente
Un apport d’actions en contrepartie de laquelle sont attribuées des droits sociaux, en rémunération, ne constitue pas un prix de vente.
Exposé du cas d’espèce :
Une banque d’affaires a été mandatée par les actionnaires d’une société (A). Sa mission consistait à rechercher un acquéreur afin de lui céder la totalité des actions formant le capital de la société A. Par l’intermédiaire de ladite banque, les actionnaires de la société A ont signé un protocole de cession avec une société (B). Ce protocole prévoyait notamment que les actionnaires de la société A devaient apporter l’intégralité des actions détenues de la société A à la société B. La contrepartie de cet apport pour les actionnaires de la société A (les apporteurs) était l’attribution d’actions à bons de souscription d’actions (ABSA) et d’obligations convertibles en actions (OCA) émises par la société B. Les anciens actionnaires de la société A ont néanmoins considéré que la banque d’affaires n’avait pas exécuté sa mission dans la mesure où l’opération réalisée n’était pas une vente. Par conséquent, les anciens actionnaires de la société A ont refusé de payer les honoraires de la banque d’affaires. Cette dernière les a alors poursuivis en paiement.
Une Cour d’appel a donné raison à la banque d’affaires en considérant que l'attribution de droits sociaux aux actionnaires, en rémunération de leur apport des titres de la société A, constituait un prix de vente, à la lecture du protocole signé qui prévoyait l'achat par la société B de la totalité des actions composant le capital de la société A.
Cette décision a été rejeté par la Cour de cassation (Cass. com. 9-3-2022 n° 20-14.773 F-D). Elle a ainsi jugé que l'apport en propriété fait à une société, en contrepartie duquel sont attribués des droits sociaux, n'est pas une vente. Elle a ainsi rappelé la distinction entre une vente et un apport. En l’espèce, le protocole stipulait que les actionnaires de la société A s'engageaient à apporter à la société B leur participation. En conséquence, la Cour d'appel avait dénaturé le contrat conclu et signé par les parties.
Essentiel à retenir :
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé que :
- L’article 1582 alinéa 1 du Code civil prévoit que la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.
- L’article 1832 alinéa 1 du Code civil définit l’apport et prévoit ainsi que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
La décision de la Cour de cassation a été rendue au visa de ces deux articles et de l’interdiction faite au juge de dénaturer l’écrit qui lui est soumis (le protocole conclu entre les parties au cas d’espèce). Si l’apport d’un bien se rapproche par certains aspects de la vente, les deux opérations présentent toutefois une différence fondamentale tenant à la contrepartie du transfert de la propriété de ce bien. En effet, le vendeur reçoit un prix lors d’une vente alors que, dans le cadre d’un apport, celui qui le consent (l’apporteur) se voit attribuer des droits sociaux et ne perçoit donc pas de prix.
Source : Article de La Quotidienne du 22/04/2022 « L’attribution de droits sociaux en rémunération d’un apport ne constitue pas un prix de vente » – Editions Francis Lefebvre