Article évaluation d’entreprise - Revue de presse #6

Evaluation des start-up innovantes : L’importance du diagnostic

Diagnostic stratégique des sociétés innovantes

La mission de l’évaluateur implique de réaliser un diagnostic stratégique étendu, ce diagnostic étant la phase préalable indispensable à l’analyse critique du plan d’affaires et à la mise en œuvre des approches d’évaluation. Ce diagnostic s’appuie sur des entretiens avec les dirigeants mais également avec les hommes clés, les référents « techniques » externes de la start-up, et sur la revue de la documentation tant interne qu’externe.

En pratique, les étapes du diagnostic sont les suivantes :

1)      L’analyse de la stratégie ;

2)      L’analyse du caractère innovant/de la force de l'innovation impliquant d’appréhender la nature de l’innovation et son intérêt ;

3)      La gouvernance / l’actionnariat impliquant notamment d’analyser la structure de la gouvernance et la structure de l'actionnariat ;

4)      L’identification des jalons de développement. Dans de nombreux secteurs, il existe des phases de développement identifiées au regard du calendrier, des risques, des ressources et des besoins associés à chaque jalon, ainsi que des probabilités de succès ;

5)      L’analyse SWOT (Stenghs / Weaknesses / Opportunities / Threats ou, en français, Forces / Faiblesses / Opportunités / Menaces), un outil de diagnostic stratégique, et le modèle CANVAS, outil de compréhension du modèle économique des start-up ;

 

Analyse critique du plan d’affaires d'une start-up innovante et ses préalables

L’évaluateur doit en connaître :

-          Les enjeux : des prévisions solides et un scénario réalisable. Pour réaliser une évaluation, il doit disposer de prévisions détaillées et documentées (hypothèses structurantes sur le chiffre d'affaires (effets volumes et prix), évolutions de la structure et du BFR, investissements...) qui doivent reposer sur un processus budgétaire structuré, rigoureux et régulier et être validées par l’organe de direction et mises à jour au moment de l’évaluation.

Si l’évaluateur ne dispose pas d’éléments (internes et / ou externes) pour réaliser cette étude critique des prévisions, il lui sera difficile, voire impossible, de réaliser une évaluation.

L’évaluation d’une entreprise s’inscrit dans un contexte donné avec une stratégie donnée. Dans ce contexte, le « best estimate » ne signifie pas l'hypothèse la plus optimiste mais le plan le plus réaliste possible. Le plan d’affaires est la traduction chiffrée de la stratégie et correspond à un scénario central dont la probabilité de réalisation doit, en théorie, être supérieure à 50 %. Dans le cas contraire, il est utile de demander à la société d’établir plusieurs scenarii. L’enjeu est, ainsi, souvent plus un enjeu multi-scenarii que de tests de sensibilité.

-          Les spécificités : En raison de la nature même de la start-up, il est nécessaire de tenir compte de diverses spécificités (peu d’historique, nombreux enjeux sur la construction du « chiffre d’affaires », flux souvent négatifs sur une grande partie de l’horizon des prévisions, des besoins de financement qui évoluent en fonction de la stratégie, du respect des jalons et la prise en compte des facteurs exogènes (tendances économiques sectorielles, évolution des normes réglementaires, fiscalité).

Des éléments permettent à l’évaluateur de réaliser une analyse critique de qualité du plan d’affaires de la start-up, à savoir notamment :

o   des prévisions validées par un organe de direction composé d’administrateurs indépendants et d’experts, et régulièrement challengées par des tiers  ;

o   une implication des hommes clés dans le processus d’établissement des prévisions, et la validation par eux de celles-ci ;

o   une déclinaison détaillée du plan d’affaires par fonctions et par jalons ;

o   une présentation structurée et détaillée des hypothèses clés (effets volumes et prix, baisse des prix de vente lors de la phase de développement…) ;

o   la disponibilité des précédentes prévisions, et l’analyse des écarts entre les données budgétées et réelles.

L'examen critique du business plan implique d’apprécier son caractère raisonnable. Pour ce faire, il est nécessaire de :

-          présenter les éléments clés ;

-          indiquer la façon dont les risques ont été traités ;

-          présenter les hypothèses de calcul de la valeur terminale (valeur de l'actif économique estimée à la dernière année de l'horizon explicite) ;

-          présenter et commenter les différents scenarii, le cas échéant, et les tests de sensibilité opérés.

L’examen critique du business plan et le diagnostic stratégique sont indispensables pour permettre à l’évaluateur de déterminer les modalités d’estimation de la valeur (méthodes, horizon explicite, flux normatifs, prise en compte des risques, approche multi-scenarii / tests de sensibilité, …).

Dans ce contexte, certains points méritent d'être précisés :

-          Durée de prévision explicite. Elle correspond à la première période (en général : 3 à 5 ans) et nécessite des hypothèses détaillées validées par la direction. À la fin de cet horizon explicite, lorsque la société est considérée comme mature (deuxième période), l'expert calcule la valeur terminale. Si l'activité de la société le justifie (secteur cyclique, secteur en forte croissance, fin de protection d’un brevet, durée de développement d’une molécule entre 8 et 10 ans...), la durée explicite peut être allongée ;

-          Prise en compte des risques spécifiques (propres à l'entreprise). Cela implique de réaliser plusieurs scenarii, d’adopter une approche probabiliste. Le risque est d'abord pris en compte dans les prévisions, puis dans le taux (prime de risques spécifiques). L’évaluateur doit aussi considérer les risques systématiques (liés à l’évolution de la conjoncture économique) et les prendre en compte dans le coefficient bêta (coefficient qui mesure la volatilité d’un titre financier par rapport aux fluctuations de l’ensemble du marché).

-          Flux normatif / valeur terminale. La prise en compte d’une valeur terminale (par exemple, durée de vie, entreprise mono-projet, …) doit être justifiée. Par ailleurs, le flux normatif n’étant pas souvent intégré dans les prévisions communiquées par les dirigeants, il est important de le leur faire valider. Calculé à l’horizon du business plan, quand l’activité a atteint un rythme de croisière, il est souvent différent du dernier flux du business plan. En cas de rupture importante entre ces 2 flux, il faut rallonger l’horizon explicite. Le flux normatif peut également être calculé en retenant un multiple.

Les enjeux d'évaluation d'une start-up innovante sont les suivants :

-          les méthodes usuelles d’évaluation ne peuvent souvent pas être appliquées, ou nécessitent d’être adaptées ;

-          il est nécessaire de traduire le risque en priorité dans les prévisions ;

-          les horizons des prévisions sont généralement beaucoup plus longs que pour une entreprise mature (délai pour atteindre une « vitesse de croisière ») ;

-          il est nécessaire de mettre en œuvre une approche multicritères ;

-          la fourchette de valeurs résultant des méthodes mises en œuvre est généralement large, compte tenu des incertitudes.

 

Sources : Articles de La Revue Fiduciaire du 21/11/2022 « Évaluation des start-up innovantes : en l'absence d'approche unique, l’exercice du jugement est déterminant - partie 1 » et du 22/11/2022 « Évaluation des start-up innovantes : en l'absence d'approche unique, l’exercice du jugement est déterminant - partie 2 »

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Revue de presse n°6 du 19 janvier 2023