Article apport et fusion - Revue de presse #19
FUSION – Absorption d’une société par sa filiale détenue à 100 % et dont l’actif nette comptable apporté est négatif.
La société holding M détient 100% des titres de sa filiale F. Elle est détenue elle-même conjointement par deux groupes actionnaires distincts A et B, qui ne sont pas sous contrôle commun.
Au cours de l’exercice, la filiale F absorbe sa société-mère M. A l’issue de cette opération de fusion, les groupes actionnaires A et B conservent les mêmes proportions détenues dans les sociétés qui fusionnent.
A la date de l’opération, l’actif net comptable de la société holding M, ainsi que celui de la filiale F, sont négatifs.
L’opération entre-t-elle dans le champ des opérations sans échange de titres eu égard aux dispositions du 4° du II de l’article L. 236-3 du code de commerce ?
Le dispositif prévu au 4° du II de l’article L. 236-3 permet de réaliser une fusion sans échange de parts ou d'actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent, lorsque ces parts ou actions sont détenues dans les mêmes proportions dans toutes les sociétés qui fusionnent par les associés des sociétés qui fusionnent, lorsque ces proportions sont conservées à l'issue de l'opération.
Cette situation implique que les actionnaires des sociétés absorbée et absorbante doivent être les mêmes, et que leurs pourcentages de détention dans les deux sociétés fusionnées soient identiques.
Dans le cas présent, les actionnaires de la société holding absorbée M ne détiennent pas directement d’actions dans le capital de l’absorbante F. Dans ces conditions, si la société F n’augmente pas son capital pour rémunérer l’actif net apporté par la société holding M et ne remet pas d’actions nouvelles aux sociétés A et B en échange des actions détenues par ces dernières dans la société holding M, qui disparait, A et B se trouvent sans action dans le capital de l’absorbante F et ne reçoivent ainsi aucune rémunération en contrepartie de l’absorption de M dont ils étaient actionnaires.
Ainsi, la Commission considère que l’exception prévue au 4° du II de l’article L. 236-3 du code de commerce n’est pas possible dans cette situation.
2. Quelles sont les modalités comptables de valorisation des apports dans le cadre de l’opération ?
En raison de l’inapplicabilité de l’exception prévue par l'article L. 236-3 du code de commerce, il est nécessaire d’émettre des actions nouvelles de la société absorbante (F) en rémunération de l’apport de la société holding M. Cela signifie que les sociétés A et B, actionnaires de M, devront recevoir des actions de F en proportion des actions qu'elles détenaient dans la société absorbée (M).
En principe, les apports devraient être évalués à leur valeur nette comptable puisque la fusion intervient entre entités sous contrôle commun, en application de l’article 743-1 du PCG.
Cependant, puisque l’actif net comptable est négatif, il faut appliquer la valeur réelle des apports, conformément à l’article 743-3 du PCG, qui prévoit une dérogation pour les cas où l’actif net apporté est insuffisant pour permettre la libération du capital. La commission rappelle que, pour que la fusion soit réalisable, il est nécessaire que soient positives à la fois la valeur réelle de la société absorbée et celle de la société absorbante pour que cette dernière puisse émettre des actions d’une valeur qui ne serait pas négative.
A l’issue de la fusion, l’absorbante détient ses propres actions, qu’il est prévu d’annuler dans leur totalité. Cette annulation devra être effectuée par la contrepartie des capitaux propres, selon les modalités prévues à l’IR3 sous l’article 745-3 du PCG :
« En cas d’absorption d’une mère par sa fille, la fusion a pour effet de transférer à l’entité absorbante (la fille) ses propres titres qu’elle doit annuler par capitaux propres. L’écart résultant de cette annulation ne peut être assimilé à un mali et comptabilisé en tant que tel à l’actif car cela reviendrait à reconnaître un incorporel généré en interne. Il convient d’appliquer dans cette situation les dispositions prévues par l’article 942-27 (alinéa 7) en cas de rachat des actions propres en vue de leur annulation. […] ».
Dès lors, et sous réserve que les seuls actifs revalorisés dans le cadre de l’opération correspondent aux titres de la société F absorbante et préalablement détenus par la société holding M, le fait de recourir à la valeur réelle (et non la valeur nette comptable) pour évaluer les titres apportés n’a pas d’incidence sur le montant final des capitaux propres.
Source : CNCC – EC 2024-17 & EJ 2024-51 – « FUSION - Absorption d’une société par sa filiale détenue à 100% - Fusion sans échange de titres ? (Non) - Actif net comptable apporté négatif - Valeur d'apport ? » - 28/02/2025.