Article litigation - Revue de presse #14
Cession du contrôle d’une société : existence d’une solidarité des cédants ?
La solidarité entre créanciers (dite « active ») ne répond pas au même régime que la solidarité entre débiteurs (dite « passive ») :
En matière commerciale, la solidarité entre débiteurs est présumée et ne peut être écartée que par une clause expresse. La cession de droits sociaux ayant pour objet ou pour effet le changement du contrôle d’une société commerciale est un acte de nature commerciale, auquel s’attache donc une présomption de solidarité ;
Entre créanciers d’une obligation, il n’y a au contraire pas de présomption de solidarité. Seule une clause expresse peut prévoir la solidarité active en conférant à chacun des créanciers le droit d’exiger et de recevoir du débiteur, le paiement total de la créance.
En l’espèce, le même jour, trois associés ont cédé leurs parts à une autre société. Le même jour,
le quatrième associé a vendu une quote-part de ses titres à la même société que ses coassociés et
le solde de ses parts au dirigeant de cette société. Une clause de garantie de passif avait été intégrée dans chacun des actes de cession et a été mise en œuvre par les acquéreurs.
La Cour d’appel a condamné l’ensemble des cédant à verser la somme aux deux acquéreurs « pris ensemble » (la société et le dirigeant), en se répartissant les fonds au prorata des parts acquises en indiquant que les cessions ont conduit à une prise de contrôle de la société. Elle a ainsi jugé que le caractère commercial de l’opération était « indiscutable » et que la solidarité était présumée.
La Cour de cassation a mis en application ces principes dans un arrêt du 24 janvier 2024 (Cass. com. 24-1-2024 n° 20-13.755 F-B). Elle a ainsi censuré cette décision en jugeant que le second acquéreur n’avait acquis les parts que du quatrième associé. Ainsi, la solidarité dont bénéficiait la société acheteuse envers tous les cédants ne pouvait pas produire d’effet à l’égard du second acquéreur.
Ainsi, les cédants étaient solidairement tenus de l’exécution de la garantie de passif à l’égard du premier acquéreur mais pas du second. En effet, ce dernier n’avait acquis ses parts qu’auprès d’un seul des cédants et n’avait donc qu’un seul débiteur. Il n’y avait donc pas de solidarité active entre les bénéficiaires de la garantie de passif.
Dans l’affaire commentée, les cédants étaient tous les quatre solidairement tenus de l’exécution de la garantie de passif à l’égard du premier acquéreur mais pas du second, Ce dernier n'avait en effet acquis de droits sociaux qu'auprès d'un seul des cédants ; il n'avait donc qu'un seul débiteur, et non plusieurs. Il n'y avait, en outre, pas de solidarité active entre les bénéficiaires de la garantie de passif. Ces éléments interdisaient à la cour d’appel de prononcer une condamnation des quatre cédants au profit des deux acquéreurs « pris ensemble ».
Source : Editions Francis Lefebvre – La Quotidienne – « Cession du contrôle d’une société : solidarité ou pas des cédants » – 29/02/2024